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Introduction : Pour être capable d’utiliser un élément en vue d’un événement, il est indéniable qu’une maîtrise et une compréhension des plus complètes sont nécessaires, en particulier lorsqu’il s’agit d’un système aussi complexe que celui de l’expression du sentiment de peur à travers l’organisme humain. La fin du XIXe siècle a vu se développer des théories visant à établir des liens entre troubles de la  psyché (« esprit » en grec ancien) et  répercussions physiques sur le soma (« corps ») ; la médecine psychosomatique apparaît par la suite, promue par le médecin et psychanalyste américain Franz Alexander, se basant sur les idées de l’Autrichien Georg Groddeck, qui soutient que toute perturbation physique est engendrée par un conflit psychique. La peur est considérée comme un réflexe naturel du corps qui réagit à une situation de crise, dans une optique de combat ou de fuite face à un danger. Mais il est aisé de constater que l’altération du comportement d’un Homme pris de panique parait souvent encore moins adapté à la situation que son comportement habituel. La peur est-elle un bien ou un mal ? Si elle est un mal, elle devient une arme, arme qui peut servir à l’Homme une fois que celui-ci en a compris ses mécanismes à travers le corps, ainsi que ses séquelles une fois la situation de crise passée.

 

 

A/ LES MÉCANISMES BIOLOGIQUES FACE AU DANGER

 

           Le système biologique de défense auquel peut être assimilé ce qu’on appelle « la peur » s’articule en trois grandes étapes, se déroulant autour du système cérébral.

            On peut considérer la peur comme un ensemble de réactions biologiques déclenchées par un élément extérieur, et destinées à accomplir un objectif commun : la survie, à relativement court terme. Le processus pour atteindre ce but s’articule en trois étapes principales, déclenchées par un élément extérieur appartenant à l’environnement de l’individu. Le mécanisme se déroule comme suit :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour illustrer nos propos, nous prendrons deux exemples d’éléments extérieurs dont nous suivrons les conséquences de la perception à travers l’organisme :

            - un ours rencontré dans une forêt, en tant qu’élément animé.

            - un feu dans une maison, en tant qu’élément inanimé.

 

 

1) Perception d’un élément extérieur

 

         

Quelles sont les fonctions des sens ? Voir, écouter, toucher, sentir, goûter : ce sont chacun des petits systèmes destinés à percevoir les éléments qui nous entoure. De manière encore plus générale, avoir une connaissance précise de l’environnement permettra à une espèce de réagir toujours plus efficacement face à un élément extérieur susceptible de porter atteinte à sa vie ; les sens, induisant une capacité de constater de manière continue l’environnement et ses variations au cours du temps, permettent donc de transmettre ces informations à un organe destiné à l’analyse de la situation, qui prendra des décisions en conséquence. Pour résumer, les sens contribuent à remplir la fonction la plus essentielle dans tout organisme vivant : vivre le plus longtemps possible, en détectant les dangers alentours.

 

Sens : 

 

            Globalement, on appelle « sens » un système corporel composé d’un récepteur sensoriel et de la zone cérébrale qui lui correspond. Le récepteur transforme un stimulus extérieur, le plus souvent un phénomène mécanique, en influx nerveux, en sensation. L’influx est alors transmis au cerveau par l’intermédiaire du système nerveux, qui l’interprétera : on parle alors de perception.

 

     La vue (système visuel) est un des sens les plus utiles pour l’Homme dans la perception de son environnement. La rétine, qui constitue le fond intérieur du globe oculaire, est tapissée de cellules photosensibles, appelés cônes et bâtonnets. L’excitation des trois types de cônes par des couleurs spécifiques correspondant à chacun d’eux (rouge, vert et bleu) permettra de former une image en couleurs de l’environnement dans notre champ de vision ; le rôle des bâtonnets est de capter l’intensité lumineuse. Constamment, l’œil envoie ces informations au cerveau par le biais du nerf optique. Le fait que nos yeux soient une paire et que les champs de vision de chacun des deux soient presque confondus nous confère un très grand avantage par rapport aux êtres vivants à vision monoculaire, puisque notre vision est tridimensionnelle donc notre perception interne de l’espace plus développée. Ainsi l’ours aperçu sera visualisé en trois dimensions, ce qui conduira à une meilleure compréhension de la situation. Le feu, lui, pourra être constaté directement à la vue de ses flammes, ou indirectement par la lumière qu’il dégage, ou plus indirectement encore par l’observation de traces de brûlure là où il est passé ; mais cela relève plus de la pensée, comme la vue d’une arme à feu ou d’un autre moyen de destruction qui peut déclencher le processus physiologique de la peur par association d’idées.

 

     L’ouïe (système auditif) de l’Homme n’est pas la plus développée. Mais elle a une utilité plus générale que la vue, dont l’activité se restreint à son champ de vision et qui n’est presque plus effective lors du sommeil. L’oreille moyenne reçoit les sons, vibrations de l’air qui font osciller les trois plus petits os du corps (le marteau, l’enclume et l’étrier) après amplification par le tympan, membrane qui sépare l’oreille externe de l’oreille moyenne. Mais on considère aussi une troisième zone de l’ouïe, l’oreille interne (système vestibulaire), dont un premier liquide (périlymphe) transforme les vibrations communiquées par l’étrier en ondes de pression. Les ondes mécaniques font bouger des cils, ce qui active la production d’influx nerveux chargés de transmettre l’information au nerf auditif, jusqu’au cortex auditif du cerveau. De même, la dualité des organes permet de contribuer à la représentation spatiale de la provenance du son, grâce a à la détection du délai interaural, c’est-à-dire la différence de temps entre l’arrive du son entre les deux oreilles. Les grognements de l’ours, le crépitement du feu ou des bruits similaires déclenchent une réaction corporelle à partir du système auditif.

 

      Le toucher (système somatosensoriel) constitue sûrement le système sensitif le plus essentiel à un être humain. Contrairement aux autres sens, il n’est pas localisé à un endroit précis de l’organisme mais diffus à travers la totalité de la surface du corps, puisque matérialisé par différents récepteurs et corpuscules situés sous la peau. Chaque type permet de ressentir la chaleur, la pression ou la douleur. Le feu est ici un exemple probant : sa chaleur, son impact sur la pression et la douleur qu’il cause stimulent grandement le toucher. Les terminaisons nerveuses de l’épiderme, couche la plus externe de la peau, se chargent de transformer les informations recueillies par ces récepteurs sensoriels en influx nerveux électriques, qui seront par la suite transmis au cerveau par la moelle épinière. Le toucher renseigne le cerveau des mouvements du corps ; il constitue en lui-même une alarme naturelle puisque le simple contact imprévu avec un objet tangible induit une réaction directe, voilà pourquoi le toucher est un des systèmes sensitifs les plus sensibles et les plus indispensables. Dans la forêt, sentir une lourde patte velue sur son épaule ne demande pas beaucoup de temps pour aboutir à une réponse de l’organisme.

 

     L’odorat (système olfactif) a longtemps questionné les chercheurs quant au nombre impressionnant des nuances d’odeurs qu’il est capable de distinguer. On sait aujourd’hui que le premier organe impliqué dans ce processus est la membrane olfactive, située au sommet de la cavité nasale, qui se compose de nombreuses cellules réceptrices atteintes par des molécules véhiculées par l’air. Là encore, ces récepteurs, une fois activés par la présence d’une molécule correspondante, déclenchent un influx nerveux relatif à la cellule réceptive. Ces influx transitent jusqu’au cerveau par l’intermédiaire d’un os très fins, la lame criblée, pour d’abord atteindre les bulbes olfactifs avant d’être dispersés dans différentes régions du cerveau pour y être analysés. La finesse de notre odorat nous permet de discerner l’odeur du feu de celle d’un gâteau qui cuit, bien que le système olfactif humain soit bien moins développé que celui de nombreux animaux.

 

     Le goût (système gustatif), perçu grâce à l’action des papilles gustatives de la langue, est sûrement le sens le moins impliqué dans la détection d’un élément perçu comme menaçant. Si un sentiment de peur peut avoir pour origine un signal nerveux gustatif, ce ne peut être qu’à cause d’une stimulation trop forte des papilles qui aboutit à la douleur, ou par une association de pensées déclenchée par une réflexion quant au goût perçu. Ainsi, manger un aliment brûlé pourra être à l’origine d’un sentiment de peur chez l’individu qui pensera au feu, mais cela s’inscrit plutôt dans le cadre d’une réaction phobique ou post-traumatique.

 

            Cette représentation classique des sens en 5 systèmes est la plus courante et nous vient d’Aristote. Cette version a perduré longtemps sans être remise en question, mais la plupart des scientifiques considèrent actuellement que l’être humain possède 9 sens, bien que la définition de ce qu’est un sens soit encore vague et controversée.

     L’équilibrioception (système vestibulaire) est le rôle principal de l’oreille interne. Celle-ci est composée de trois canaux perpendiculaires remplis d’un autre liquide, l’endolymphe, contenant lui-même de petits morceaux de calcaire qui frotteront des cils de la paroi du fait de leur mouvement dans les canaux. Là encore, une action mécanique est transformée en influx électriques dirigés vers le cerveau. Le système vestibulaire permet ainsi, grâce à la gravité terrestre, de savoir dans quelle position le corps est par rapport au sol, et de ressentir les effets de la vitesse et de l’accélération.

      La nociception, sens de la douleur, ainsi que la thermoception, sens de la chaleur, sont à dissocier du sens du toucher, et forment des sens à part entière.

      Enfin, la proprioception, ou sensibilité profonde, est à ajouter aux sens majoritairement reconnus par la communauté scientifique ; il s’agit de la perception, consciente ou inconsciente, de la localisation spatiale des membres de notre propre corps. C’est elle qui nous permet entre autres de frapper dans les mains sans avoir besoin de les regarder : nos mouvements en sont plus précis.

 

     Certains attribuent encore davantage de sens à l’Homme, pouvant aller jusqu’à 21. Par exemple, la somesthésie est un concept encore plus général qui englobe notamment le système somatosensoriel : grâce aux récepteurs sensitifs répartis même à l’intérieur de notre corps, arrivent au cerveau différentes sensations provenant des tissus de l’organisme, comme les muscles et les tendons (fuseaux neuromusculaires et fuseaux neurotendineux).

 

     Des éléments extérieurs qui ne mettent pourtant pas la vie de l’individu en danger peuvent être analysés comme menaçants : la détection d’un mouvement très vif ou très proche, ou un pic de stimulation des sens entraînent une réaction instantanée de fuite. Cela s’explique par le fait qu’il existe deux circuits de réaction à l’intérieur du cerveau, l’un très rapide et presque immédiat et l’autre plus réfléchi et rationnel, donc plus lent.

 

 

2) Opérations cérébrales

 

            Tous les sens transcrivent les phénomènes physiques ou mécaniques qu’ils perçoivent en influx nerveux, c’est-à-dire en impulsions électriques véhiculées par les nerfs jusqu’au cerveau, véritable usine qui se chargera de recevoir ces données codées pour les décrypter et les analyser en les classifiant, et à partir de là prendre des décisions en conséquence et envoyer ses ordres par le biais du même système nerveux à divers organes et muscles du corps. La réception des données relatives à l’excitation des sens, ou informations sensorielles, se fait à différents endroits.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

            De manière générale, les informations sensorielles convergent vers le thalamus, structure cérébrale paire située au centre du cerveau (entre le tronc cérébral et le cortex). Là, le stimulus sensoriel sera pris en charge par deux vois parallèles : une voie thalamo-amygdalienne courte, et une voie thalamo-cortico-amygdalienne longue. La première fait que l’information est dirigée directement vers l’amygdale, dont la fonction essentielle est de repérer parmi ces stimuli ceux qui pourraient être menaçants pour l’organisme. Si ce cas se présente, l’amygdale entraînera d’elle-même les réactions corporelles de réponse, privilégiant rapidité à précision. En effet, ce n’est qu’une perception grossière et schématique dont dispose l’amygdale, car cette voie sous-corticale ne bénéficie pas de ce qu’on nomme la cognition. Dans ce cas, pourquoi un tel système existe s’il est si imprécis et peu développé ? Simplement parce que le corps humain grâce à son existence est capable de réflexes, qui se montrent d’une utilité capitale dans le but de la survie ; en combinant réflexes de survie et réflexion plus élaborée sur la réponse à apporter, l’Homme bénéficie d’une réaction en deux temps, d’autant plus efficace. Dans une optique de prudence, l’amygdale détectera des stimuli menaçants plus que nécessaire, car il est plus sage de déclencher le processus de défense trop souvent que trop peu.

 

            Le deuxième circuit est bien plus conséquent. Depuis le thalamus, les données provenant des sens sont envoyés aux cortex sensoriels relatifs aux différents systèmes sensoriels : cortex visuel, cortex auditif, cortex somatosensoriel pour le toucher, et cortex olfactif pour l’olfaction et le goût. Le cortex est la partie extérieure du cerveau, en quelque sorte sa surface ; c’est un agencement de neurones fortement reliés entre eux. Chacun des cortex sensoriels constitue une partie de ce cortex cérébral, ils représentent ensemble presque un tiers de celui-ci. Ce sont ces cortex sensoriels dits primaires qui se chargeront de décoder les stimuli qui leur parviennent en diverses informations, pour ensuite transmettre celles-ci au cortex associatif (recouvrant la majeure partie du cortex cérébral) qui organisera les données en provenance des différents récepteurs sensoriels pour les associer, et établir ainsi un mise en forme globale de l’environnement. Par exemple, les informations visuelles du corps de l’ours, auditives de ses grognements, et relatives au contact physique avec l’ours concordent, l’objet perçu est donc bien un ours : ce deuxième circuit mène à une connaissance bien plus précise de la situation. Le cortex associatif interagit aussi avec une autre structure du cerveau, l’hippocampe, siège de notre mémoire consciente et inconsciente. Cette connexion avec l’hippocampe est double. Premièrement, l’hippocampe enregistre la situation vécue et l’associe au processus de peur qu’elle engendre ; deuxièmement, l’hippocampe cherchera si la situation actuelle a un quelconque rapport avec une situation antérieure ayant déjà engendré la réaction de peur, alors ce processus se déclenchera à nouveau, et donc plus rapidement.

 

            Tout ce cheminement à travers le cortex cérébral correspond à une réelle opération de pensée, et n’est pas assimilable à des réactions réflexes du même type que celles dues au plus petit circuit d’analyse des informations sensorielles. On appelle cette réflexion due au cortex la cognition, dont voici le modèle cognitiviste de la pensée, articulé en trois étapes :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1. Le filtrage : L’organisme choisit de focaliser son attention sur quelque chose pour être capable de mieux l’étudier. Mais pour cela, il faut négliger d’autres éléments captés par les récepteurs sensoriels. Ainsi, dans un brouhaha par exemple, on peut choisir d’écouter une voix en ne cherchant pas à comprendre les autres. Cette opération peut être vue comme une concentration sur un objet donné.

 

2. La mise en forme : Les informations recueillies sont décodées, c’est-à-dire transformées en « représentations mentales ». Cette représentation peut être une image mentale (un cube, un visage…), un symbole abstrait (une lettre, un chiffre…), un concept (une maison, un tome, un chien…), donc un ensemble structuré d’objets mentaux déjà connus et classifiés, avec de nombreuses information associées. Par exemple, l’objet « feu » est pensé avec ses caractéristiques inhérentes : chaleur, lumière, fumer, danger etc. Ces catégories peuvent être des stéréotypes, parfois faux mais qui toujours associent à des concepts des attributs, car ces objets sont souvent perçus en même temps que ces particularités. Ainsi, le désert de Gobi est associé irrémédiablement à chaleur et sable, alors qu’il est en réalité souvent froid et couvert de terre.

 

3. Opérations ou computation : Selon l’approche cognitiviste, la pensée ne serait que la combinaison des représentations, formant ainsi des assemblages plus complexes. Toute pensée, même la plus basique, pourrait être traduite sous la forme d’un algèbre mental tel que « si A, alors B ». Ces suites d’opérations sont appelées « heuristiques ». « S’il y a le feu, alors j’essaie de l’éteindre avec de l’eau / je fuis » peuvent être des réactions à la suite de la constatation d’un incendie.

 

Il existe trois niveaux d’analyse de la cognition :

 

  • Le niveau conscient : Niveau où l’esprit manipule des représentations et intentions. Par exemple, la lecture d’un texte induit des images mentales qui s’enchaînent entre elles et donnent une cohérence générale au texte.

 

  • Le niveau computationnel : Niveau de traitement des signes. Lire suppose de décoder les signes en termes de lettres, mots, phrases.

 

  • Le niveau neuronal : Niveau où ont lieu les opérations les plus élémentaires (qui sont en fait les plus complexes). Pour la lecture, c’est ici que les stimuli visuels sont reçus et traités comme des signes graphiques.

 

Pendant tout ce temps de pensée, l’organisme arrêtera toute action pour prendre le temps d’évaluer les risques liés à la situation, et agir en conséquences de la manière qui lui parait la plus adéquate.

 

 

Stress :

 

On peut associer le stress à une forme moindre mais continue de la peur au sens de panique. Appelé aussi « syndrome général d’adaptation » par certains scientifiques du XXe siècle dont Hans Selye, le stress est caractérisé de même par des modifications du mécanisme habituel du fonctionnement du corps. Il est déclenché par des pensées qui traduisent un sentiment de danger ou de menace constant. Le stress peut être considéré comme un sentiment de peur panique dont le processus, censé être temporaire et exceptionnel, perdure plus longtemps.

 

Mais ce n’est pas parce que nos capacités sont développées sur une période plus importante que nous devenons systématiquement plus aptes à faire face à un danger. Si cet état d’urgence n’aboutit pas ou dure trop longtemps, les molécules de sélection des priorités pour stimuler l’activité de certains organes et muscles perturbent la régulation de ceux-ci. Les hormones de stress se comportent alors comme des molécules trouble-fête, des vecteurs de sommation. Ainsi le stress peut être à l’origine de maladies, en plus de susciter un mal être constant.

A noter : le stress se différencie de l’anxiété, qui est une simple émotion et non une suite de réactions physiologiques.

 

 

 

Vecteurs de Sommation:

 

Signaux qui, en déréglant le fonctionnement normal des organes, les prédisposent à des comportements pathologiques. Des maladies sans lien apparent avec le trouble adaptatif initial peuvent ainsi survenir, favorisant l’apparition de désordres cardio-vasculaires, ou même de troubles immunitaires ou de cancers.

 

 

 

B/ LES SÉQUELLES CÉRÉBRALES

 

            La peur en elle même, l’événement douloureux tant sur un point de vue psychologique que physiologique,  entraîne régulièrement des séquelles cérébrales à la personne sujette à la peur.

L'idée que puisse se développer une « maladie » après un traumatisme en l'absence de toute blessure apparente est maintenant ancienne. Des troubles névrotiques provoqués par un accident sans que n'intervienne une cause physique seront observés et décrits dans la deuxième moitié du XIXème siècle après des accidents de chemin de fer.

A cette époque apparaît l'idée toujours actuelle que la frayeur, l'émotion ou la suggestion peut provoquer des séquelles durables.

 

 

Névrose :

 

Affection psychique affectant la personnalité et la vie sociale du sujet et dont celui-ci est conscient.

 

 

 

1) La création d’un traumatisme

 

Le traumatisme psychique est le plus souvent lié à un événement soudain et brutal. Il s'agit, dans la majeur partie des cas, d'une situation plus ou moins éprouvante avec un caractère plus ou moins destructeur (accident de la route, incendie, catastrophe naturelle, etc.).

Le sujet peut-être uniquement spectateur et ne pas avoir été en danger réel.

Face à un tel événement qualifié de stressant, il est décrit une réaction immédiate au stress. Il ne faut pas confondre cette réaction, contemporaine de l'événement, avec la névrose traumatique qui elle se développe ultérieurement.

 

  • Le stress normal, réaction d'adaptation du sujet à une situation dangereuse. Il s'agit d'un stress utile favorisant l'action.

  • Le stress dépassé avec une gesticulation, des mouvements désordonnées et inefficaces. Ce stress dépassé est volontiers contagieux et en cas d'intervention sur un lieu d'accident (SAMU, SMUR...) il faut penser à isoler les victimes de stress dépassé.

Les réactions pathologiques au stress : une agressivité, des délires aigus, etc.

 

Certaines caractéristiques d'un événement sont volontiers considérées comme susceptibles de favoriser par la suite le développement d'une névrose traumatique.

Dans les approches anglo-saxonnes (théories cognitivo-comportementales) ces caractéristiques associées à l'événement sont même les conditions du développement d'un état de Stress post-traumatique. Cela s'oppose aux approches psychanalytiques qui considèrent que l'événement traumatique devient tel, dans un après coup où là seulement, il prend son caractère traumatisant pour des raisons qui ne sont ni généralisables et ni observables mais "internes" et propres à un sujet donné (traumatisme renvoyant à un traumatisme antérieur, etc.).

 

Les facteurs aggravants ou les caractéristiques les plus fréquentes d'un événement traumatique sont :

 - Une peur intense, un sentiment d'horreur.

 - Un sentiment d'impuissance ou de frustration.

 - Un sentiment de culpabilité ou de honte.

 - Le sentiment d'isolement.

 - L'incompréhension de la situation

 

Survient ensuite ce qu’on appelle « le temps de Latence ».

 

 

Le temps de Latence :

 

Il s'agit de la période, plus ou moins longue, après le traumatisme qui précède l'apparition de signes physiologiques ou psychologiques du traumatisme. Le sujet est normal. Cette période de quelques jours (cas le plus fréquent), peut parfois être de plusieurs mois ou au contraire n'être que de quelques heures. Il existerait parfois quelques petits signes discrets pouvant attirer l'attention : repli sur soi, sentiment de ne pas être compris, distraction exagérée.

 

 

 

 

Après le temps de latence, les symptômes de la névrose traumatique apparaissent. Ils sont classiquement séparés en deux groupes :

 

  • Spécifiques :

 

Il s'agit du syndrome de répétition caractéristique de la névrose traumatique.

Dans son volet nocturne, le syndrome de répétition se traduit par des rêves ou le plus souvent des cauchemars répétés. Les cauchemars reproduisent plus ou moins fidèlement la scène traumatique. Ils sont souvent vécus intensément, provocant volontiers un sommeil agité (cris, gesticulation) ou un réveil.

La fréquence de ces rêves est variable : plusieurs dans une même nuit, quotidiens, hebdomadaires parfois même plus espacés.

A l'état de veille, le sujet revit la scène traumatique avec plus ou moins d'intensité. Cela peut être une simple rumination mentale à propos de l'événement traumatique. L'évocation répétitive du souvenir peut s'accompagner d'images ou de perceptions plus ou moins vives (odeurs, bruits, etc.). Parfois la reviviscence diurne de l'événement traumatique prend une allure quasi hallucinatoire, sous forme de "flash back" brefs.

La répétition diurne du traumatisme peut être émotionnelle. Il peut ainsi exister des décharges émotives avec angoisse, agitation ou cris. L'exposition à des situations ressemblant plus ou moins à l'événement traumatique provoque une réactivité émotionnelle et physiologique exagérée (palpitations, hyperpnée, sudation, etc.).

La réaction de sursaut est une forme élémentaire et fréquente du syndrome de répétition. C'est par exemple un sujet qui sursaute dès que sonne le téléphone.

 

Le sujet développera un certain nombre de conduites d'évitement.

  - Il tente d'éviter les pensées, les conversations, les livres, les films à la télévision qui peuvent être en lien avec le traumatisme.

  - Il évite les personnes, les lieus, les activités qui peuvent éveiller un souvenir du traumatisme.

 

  • Non spécifiques :

 

Ils sont moins caractéristiques d'une névrose traumatique et ils peuvent se rencontrer dans d'autres troubles anxieux ou névrotiques. Il peut s'agir de conversions (paralysie, cécité, aphonie... ) ou de troubles psychosomatiques tels des céphalées, une constipation, des douleurs, des courbatures. Mais aussi :

- Une anxiété soit permanente avec un tableau proche de l'anxiété généralisée, soit sous forme paroxystique avec un tableau proche du trouble panique.

- Des signes d'allure dépressive : fatigabilité, repli sur soi, difficulté de concentration irritabilité et accès de colère.

- Des tableaux d'allure paranoïaque avec méfiance et hostilité associées à une quérulence et des revendications en rapport avec le traumatisme.

Une modification de la personnalité, progressive et durable, peut s'observer.

  - Le patient perd de sa capacité d'initiative. Il devient dépendant de son entourage avec une perte de son autonomie, une perte des centres d'intérêt et un repli sur son univers familier et proche.

  - Il peut devenir méfiant, isolé, agressif et revendicatif et se mobiliser pour des actions en rapport avec le traumatisme (démarche administratives ou judiciaires, etc...)

Peut importe la forme que peut prendre la modification de la personnalité, ce qu'il est important de retenir c'est qu'elle survient après le traumatisme, en relation avec celui-ci et qu'il est possible de saisir leur relation.

 

 

L'évolution du traumatisme :

 

Il est possible d'isoler 3 types d'évolutions :

-   Un tableau qui reste stable. D'anciens combattants de la 1ère guerre mondiale ont eu des cauchemars répétitifs avec reviviscence d'un événement survenu sur le champ de bataille jusqu'à la fin de leur existence.

-   Une amélioration spontanée est possible. Cela reste rare si le syndrome de répétition est installé depuis plusieurs mois

-   Une fois le syndrome de répétition installé depuis plus de 3-4 mois, la névrose traumatique reste le plus souvent une affection chronique plus ou moins invalidante. L'intensité des symptômes peut s'estomper globalement mais le plus souvent il est observé une diminution du syndrome de répétition (espacement des cauchemars et des reviviscences diurnes) mais une aggravation des symptômes non spécifiques qui, une fois bien en place, peuvent occuper le devant du tableau clinique.

   Les complications classiques des troubles anxieux peuvent amplifier l'évolution d'une névrose traumatique : syndrome dépressif, alcoolisme, toxicomanie, surconsommation médicamenteuse (anxiolytiques, hypnotiques), comme les américains en firent l’expérience, créant les dépendances au LSD lors de la guerre du Viêtnam.

 

2) Entre obsession et hystérie

 

            Souvent mal-interprétés et utilisés à tort, ces deux états d’une personne que tout semble lié, et qui, dans le vocabulaire courant, sont similaires, sont en réalité deux états en tout point opposés. Toutes deux étudiées par Freud, l’obsession apparaitra dans le vocabulaire des psychanalystes que bien après l’hystérie, autrefois considérée comme seule ‘névrose’ étudiable.

 

            Dans la terminologie de la psychiatrie et de la psychologie, le mot « Obsession » désigne une pensée (dans un sens plus large : une idée, un désir, un remord, mais dans ce cas précis : la peur.) qui ‘assiège’ le sujet, c’est-à-dire une pensée qu’il ne peut écarter, malgré ses efforts. Parfois qualifiée de «maladive», c’est une caractéristique des obsessions d’être pénibles, qu’elles soient simplement agaçantes ou torturantes et insupportables. Avant les découvertes de Freud, cette obsession était expliquée par une « asthénie » psychologique.

 

Asthénie :

 

Absence de vigueur, affaiblissement de l’organisme, fatigue importante.

 

           

 

L’Hystérie est une névrose à manifestations polymorphes dont l’originalité réside en ce que les conflits

psychiques inconscients s’y expriment symboliquement en des symptômes corporels variés, les uns

paroxystiques comme les attaques (crisesconvulsives, crises pantomimiques etc.), les autres plus durables

(paralysies, contractures, cécité etc.).

 

            On voit donc que l’obsession possède un mécanisme beaucoup plus lent que l’hystérie, et s’éloigne

donc de la peur la plus « violente », se rapprochant plus du stress oppressant.

 

            ◊ L’Hystérie

 

  Sur l’image ci-contre, on peut observer une crise d’hystérie faite par une jeune fille dans un centre spécialisé.

La crise, extrêmement violente, appelée « la grande attaque » qu’inaugure l’ascension de la boule hystérique

de la région ovarienne à l’épigastre puis à la gorge se succèdent des convulsions désordonnées, contorsions

bizarres, clownesques (tel les incurvations du corps ci-dessus), attitudes passionnelles figeant le corps dans

l’immobilité cataleptique de l’extase ou bien l’agitant frénétiquement de transes qui furent autrefois qualifiées

de démoniaques.

  Au cours des conflits mondiaux qui ont agités le siècle passé, notamment les Première et Deuxième Guerres

mondiales, les soldats rentraient parfois dans cette hystérie frénétique leur faisant perdre leurs moyens.

Même après la guerre, le syndrome le plus courant restait l’Obusite, un stress post-traumatique.

 

 

Comment la peur peut-elle devenir une arme contre l'Homme?

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